heure d'été

Publié le par M.


ou le complot des lève-tôt.



Dans toute communauté humaine s'affrontent des antagonistes. C'est la nature humaine qui veut ça, l'Homme est un animal sociable qui ne peut pas supporter ses semblables, mttez-en deux côte à côte et vous aurez deux camps qui s'affrontent. Même quand un groupe d'individu a un objectif commun, des opinions communes, que tout va bien dans le meilleur monde, très vite l'atavisme belliqueux reprend. Ils sont là à traquer les différences, la moindre distorsion, puis dès qu'ils la trouvent, la montent en épingle et l'exposent. Ainsi se forment les petits communautarismes de clocher.

Dans le monde du travail et le mien en particulier, sous le règne bienveillant des horaires variables, la communauté des individus se divisent en deux.
  • Les lève-tôt: ceux là pointent entre 6h et 7h30, professent que l'avenir leur appartient et militent pour l'extension de la plage variable à 5h du matin. A 16h ils sont partis, ils ont autre chose à faire de leur vie, la journée n'est pas encore finie et il y a tant à faire. Pour eux, grasse-mat' c'est 8h, 9h, c'est une maladie grave. Le plus important de la vie se déroule en plein jour. D'ailleurs quand, ils récupèrent les heures sup, c'est toujours l'après-midi qu'ils posent.
  • Les lève-tard, ceux-là, la pointeuse ne les voit arriver que vers 8h30, 9h30 pour les plus extrêmes qui n'hésitent pas à mordre sur la plage fixe et s'exposer aux sanctions du gardien des horaires. Ils arrivent et filent droit vers leur kawa, c'est qu'il faut double dose pour les éveiller. A 16h, ils sont toujours là, à 18 aussi, et si on les flanquait pas dehors, ils y seraient encore à 20h. Ils sont pour d'ailleurs, du moment qu'on les laisse roupiller jusqu'à 10h. Ils préfèrent laisser la journée aux poules, leur vie, c'est la nuit qu'elle commence, le matin, c'est fait pour dormir. D'ailleurs ceux-là guettent le moment béni du week-end où ils vont laisser leurs penchants prendre le dessus. Grasse mat? C'est 14h et les plus extrêmes se tirent du lit à 16h le samedi. Les récup d'heures sup? Le matin, pardi!
 Il y a bien sûr des gens qui arrivent entre 7h30 et 8h30, mais ceux-là ont des contraintes extérieures qui les empêchent de s'exprimer comme faisant partie de ces deux communautés (mômes à trimballer, conjoint imposant ses horaires, transport), beaucoup d'entre eux sont des lève-tôt ou lève-tard contrariés, il faut attendre des évenements précis (vacances scolaires) pour les voir s'exprimer. Ainsi cette mère de famille se traînant à 8h30 qui vient brusquement à 7h pendant toute la durée des congés de ses mômes.
En général dans un service, les deux communautés sont bien représentées, ce qui fait un équilibre. Ainsi le lève-tard n'a plus aucun complexe à déborder sur la plage fixe, sachant que le lève-tôt est déjà en train de prendre les appels depuis 1h30. Et le lève-tôt peut lâcher son boulot à 16h pour aller à la piscine, puisqu'il y aura toujours un lève-tard de présent pour le terminer.
Tout va bien dans le meilleur des mondes... Quelques plaisanteries sont lâchées, les uns traitant de feignasses ceux qui les qualifient de malades, les no-life raillent les larbins, tout cela ne quitte pas l'enclos sacré du hall et de la machine à kawa:
- Tiens, un touriste, merci d'être venu.
- Tu te barres déjà? Mais quel branlouse!
Rien de bien méchant. Mais tout ça allait changer.

Dernier Lundi de Mars: Fin de la plage variable +5 (retard dans le langage hiérarchique).
A cette heure là, le parking est déjà plein à craquer, le lève-tard n'a plus qu'à tenter sa chance sur les trottoirs adjacents.
Mais ce jour là, miracle. Parkinge vide. Et angoisse du lève-tard. Il manque 80% des bagnoles.
Serait-il en plein décalage horaire et venu travailler un dimanche? Pas possible, l'accès serait fermé. Aurait-il une panne de reveil et serait-il venu à 16h au lieu de 9? (Déjà que ce dimanche il s'est encore levé à 15h30). Horreur des horreurs, le soleil est bas à l'est, c'est encore le matin. La panique envahit l'enchaîné à l'oreiller. Honte! il est venu une heure trop tôt.
Il hésite à faire demi-tour pour retourner se coucher, puis ose tout de même franchir son Styx, il imagine les lève-tôt devant la machine à café " Alors, t'es tombé du lit" et s'apprête à subir une journée de vannes lourdes, tout comme la dernière fois où il est arrivé exceptionnellement à l'heure.
Pourtant la pointeuse rouspète et crit au retard. Et, oui, il y a eu un décalage horaire durant le week-end. Non seulement le lève-tard s'est bien levé une heure de trop( ce qui constitue une déclaration de guerre à son métabolisme) mais en plus, il est encore en retard. Mais moins que les autres, ce qui le vexe.
Car où sont les 80% de bagnoles manquantes? Entre les petits malins prévoyants qui ont posé une récup et les attardés du révei, ça fait du monde qui pointe à 9h30. Hé oui, le dernier dimanche de mars tombe le 1er Avril.

Saleté d'heure d'été!
De quel cerveau malade est sortie cette absurdité? Le soleil se couche plus tard et le travailleur doit se lever plus tôt. Economie d'énergie? En effet, en hiver les lampes sont allumées vers 16h. Et les gens sont crévés parce que la nuit tombe trop tôt.

Il n'y a qu'une seule réponse. Regardez les se pavaner, fiers d'avoir pu enfin venir une heure plus tôt sans avoir provoqué une action syndicale pour réformer les horaires, regardez les se réjouir à l'idée d'avoir du soleil encore plus tard pour prolonger leurs activités post-travail! Alors que les nocturnes se coucheront encore plus tard pour apprécier enfin la beauté de la nuit.

Ils ricanent de les voir, pauvres matinophobes chroniques, être totalement désemparés par cette attaque antphysiologique, prendre le café du matin à la place du repas de midi.

Il n'y a qu'une seule logique: l'heure d'été fait partie du complot des lève-tôt pour faire chier les lève-tard.

Mais la dictature ne passera pas!
Action-réaction. Non seulement, on arrive encore plus en retard, mais on est trop fatigués du cerveau pour prolonger jusqu'à 18h.
Résultat, il y a plus personne pour se taper le boulot du lève-tôt.

Bien fait! Et ça continuera. Car s'abattra bientôt la vengeance des nocturnes :

 Dans six mois, c'est l'heure d'hiver.

Publié dans tronche de vie

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